Une campagne, c’est harassant mais ça vous réserve aussi des instantanés mémorables. Comme hier, vers la plaine de jeux de la Durantière, où, gamin, j’ai souvent tapé dans la balle jaune avec des amis. Je passe une première fois devant un panneau d’affichage. Pas l’affichage officiel des écoles où les candidats sont sagement rangés comme des images et qu’il est interdit de toucher, non. L’affichage libre, celui où c’est la guerre entre les équipes de campagne, où le jeu consiste à décoller les affiches des autres et à y engluer le plus vite possible la tronche de son champion (à Nantes, je devrais dire « sa championne » !). C’est sans pitié, à peine plus écolo que l’affichage électronique, et au final assez répétitif comme exercice.
Donc sur cet affichage libre trônaient, bizarrement intactes, une triplette d’affiches de Laurence Garnier tout sourire. Nous repassons avec Sophie et Leila quelques minutes plus tard et interpellons en riant le colleur de la liste de Margot Medkour (Mélenchon version sympa ) qui en avait recouvert deux sur trois : « hé, laissez-nous en une, au moins ! ». Le gars nous répond mi-figue, mi-raisin : « ben faites de même, alors… » ; puis il se marre et finalement, sympa, renonce à recouvrir la dernière affiche. Sur ce panneau, que j’aurais dû immortaliser, se matérialisait l’improbable cohabitation entre deux jeunes femmes souriantes, sereines, que pourtant beaucoup de choses opposent (oui, je vous préviens, la chute de mon billet n’a rien à voir avec une gentille fusion de liste. Spoiler). Et c’était sympa, frais, marrant. Ca m’a fait du bien.
Parce qu’en fait, chacune dans leur genre, elles font une campagne formidable, inattendue, aux dires de beaucoup d’observateurs rompus à l’exercice, soporofique, des municipales à Nantes depuis 30 ans, où Jean-Marc Ayrault puis sa jeune collaboratrice de l’époque, se faisaient élire puis réélire dans un fauteuil. Margot, la plus jeune, un peu foutraque, aborde cette échéance avec la fraîcheur de ses convictions qui fleurent l’autogestion, les bons sentiments, le tout dans un fond de sauce de convergence des luttes peu à mon goût, mais bon ! Laurence, elle, a réussi l’impensable à Nantes, ville acquise à la Gôôôche : mobiliser derrière elle une équipe unie (pas de liste dissidente), diverse, hyper préparée et surmotivée.
L’unité à droite et au centre-droit n’était pas acquise, loin de là. Les sirènes du Macronisme en avaient éloigné certains, le désastre de la Présidentielle de 2017 avait douché les enthousiasmes des plus chevronnés, les thuriféraires de l’union des droites préparaient leurs flèches empoisonnées. Et pourtant… Les uns après les autres, pour beaucoup d’entre nous peu habitués aux codes de la politique, nous nous sommes laissé séduire par cette petite femme, énergique, proche des gens, solide, profondément sympathique. Je le dis parce qu’il ne faut pas faire de politique quand on n’aime pas les gens. Laurence a cette empathie, cette écoute, qui font les grands maires.
Avant 2019, combien de fois ai-je entendu cette remarque : « mais pourquoi une figure nationale de la droite ne se présente pas à Nantes ? ». Comme si les épisodes Madelin ou Montchamp ne nous avaient pas vaccinés, pour ceux qui ont la mémoire longue… Comme si les hommes et femmes d’Etat, dans le style de De Gaulle, ça courait les rues de nos jours… Et puis, il faut qu’on guérisse de cette maladie infantile de la droite qu’est le culte du chef à plume. Ca nous empêche de voir les talents émerger. Des talents proches des gens, qui leur ressemblent. C’est l’histoire qu’écrit Laurence à Nantes.
Vous me pardonnerez l’image osée, Laurence Garnier face à Johanna Rolland, c’est un peu David, armé d’un simple bâton et d’une fronde, qui affronte le Philistin Goliath, tellement sûr de lui, de sa force, de ses troupes, de sa supériorité. On connaît la fin de l’histoire. L’agilité, le courage et le coeur l’emportent sur la force brute.
C’est probablement pour ça qu’on prend un plaisir fou à faire cette campagne. Parce qu’on y croit. On aurait tous quelque chose de mieux à faire que de frapper aux portes des Nantais tous les soirs depuis plusieurs semaines, sous la pluie et le vent. Mais plus on entend les attentes, la désespérance de certains, plus on croit au projet que porte Laurence au nom des Nantais, loin du dogmatisme empesé de l’équipe actuelle, incapable de voir ce qui se passe à Nantes et d’agir, en particulier pour protéger les Nantais.
Y croire, est-ce être sûr du résultat ? Pas plus que les Hébreux qui regardaient David s’avancer vers le champion des Philistins ! On n’en sait rien, en fait. Mais personne n’en sait rien. C’est ce qui est intéressant, d’ailleurs. Tout est possible. Le jeu n’a jamais été aussi ouvert. Alors on le joue à fond, sans compter, avec conviction et simplicité. Avec Laurence Garnier, pour tous les Nantais, ceux qui vont bien et ceux qui vont moins bien.
Foulques Chombart de Lauwe
PS : merci @FranckDubray / Ouest-France pour la photo que je lui emprunte !