Je vais vous faire un aveu :
Quand j’ai commencé à travailler sur les finances de la ville de Nantes pour la campagne municipale de 2020, j’ai été un peu déçu de ne pas trouver tous les voyants dans le rouge.
Je sais, ce n’est pas bien, 😇mais pour un opposant 😈, c’est toujours plus facile…
La fiscalité locale avait certes déjà commencé à déraper, les dépenses de fonctionnement avaient une dynamique inquiétante mais on ne peut pas dire que les marges de manœuvre en matière de dette et d’investissement étaient nulles.
Malheureusement, ce soulagement a été de TRES courte durée.
Depuis 3 ans, vous vous ingéniez à mettre tous les compteurs dans le rouge et vous vous en félicitez.
Je cite M. Bolo : “nous consommons nos marges de manœuvre plus vite que prévu”, “nous atteignons bientôt la côte d’alerte”, voilà ce qu’on entend à longueur de commission des finances.
Et il faudrait manifestement s’en réjouir.
Vive la dette, vive les taxes, vive la salvifique dépense publique !
Alors que tous, Etat, collectivités, entreprises, particuliers, associations cherchent les moyens de passer les multiples crises que nous traversons, je trouve cette légèreté déplacée.
Les Nantais doivent ouvrir les yeux sur ce qui les attend :
- après la hausse des impôts l’an dernier, rupture de votre promesse de campagne, ils vont payer 21 M€ de plus de fiscalité directe que l’an dernier (272 MEUR) ; pas de magie, c’est l’effet de la revalorisation des bases ; cela dépend certes de l’Etat mais de savoir que vos concitoyens vont être lourdement taxer devrait vous rendre particulièrement économe.
- dans le même temps, vous engrangez le fruit de vos décisions d’étendre le stationnement et d’alourdir les amendes : près de 3 M€ supplémentaires qui viennent… des poches des Nantais (32 MEUR).
- mais non, vous laissez filer de plus de 8% les dépenses de fonctionnement alors que l’inflation est prévue à 6%
- Dans ce contexte, vous atteindrez dès cette année le niveau plancher de 8% d’épargne brute que vous aviez promis d’atteindre… en 2026 ; ça va décidément être compliqué de vous succéder 😉
- Et puis la dette commence à nous coûter cher : les frais financiers sont en hausse de 33%. Un tiers de plus et ce n’est qu’un début vu le contexte international.
- C’est d’autant plus préoccupant que la dette continue d’exploser : +76 MEUR ouverts au Budget. Nous allons atteindre les 7 années de capacité de désendettement. Cela nous mène à la porte du classement des 10 villes de plus de 100 000 habitants les plus mal notées sur ce critère.
Investissement : il fallait lisser les choses
Enfin, vous laissez l’investissement totalement s’emballer, pour pallier l’impréparation des années précédentes : 125 M€ de dépenses… contre une cinquantaine en moyenne pendant le précédent mandat.
Il fallait lisser les choses, préparer l’avenir, mais là, vous choisissez le pire moment pour le faire : post COVID, avec l’inflation historique qui fait exploser les taux. L’histoire le retiendra.
D’autres choix étaient possibles
Je connais votre réponse : qu’auriez-vous supprimé, M. Chombart de Lauwe ?
Je vais faire bref : nos choix auraient été tout autres et les choses plus lissées dans le temps.
- Prenons l’exemple de Toulouse qui connaît comme nous des problèmes d’insécurité. Et bien ils consacrent 20% du budget d’investissement de la ville à ce sujet contre 5% à Nantes. Et que je sache, les écoles de la ville rose accueillent les petits Toulousains dans de bonnes conditions. Ils ont sûrement mieux anticipé que vous. Nous n’aurions pas payé 15 M€ une école temporaire, par exemple.
- Restons sur Toulouse, ils consacrent 8% du budget d’investissement à l’écologie et la nature contre 4% à Nantes.
D’autres choix étaient donc possibles, plus respectueux du portefeuille des Nantais déjà lourdement mis à contribution.
Foulques Chombart de Lauwe
[ceci est le texte de mon intervention lors du Conseil municipal du 3 février 2023 à l’occasion du vote du budget 2023]