Cahier d’étonnement
Lorsqu’on commence un nouveau poste ou qu’on assume une responsabilité inédite, il est devenu fréquent de tenir un « cahier d’étonnement », qui sert autant à celui qui l’écrit qu’à ses collègues, à qui l’habitude aura fait perdre de vue certaines réalités, beautés ou absurdités de leur métier ou de leur entreprise.
Afin d’éviter de prendre trop vite un mauvais pli ou de me couler trop facilement dans les habits de mes prédécesseurs, j’ai décidé de m’atteler à l’écriture de mon « cahier d’étonnement » d’élu municipal. Il ne prétend ni à l’exhaustivité ni à l’exactitude. Il s’agit d’impressions, de ressentis, d’envies et de frustrations. A l’heure où l’on critique l’éloignement des élus des réalités du quotidien, j’espère que ce modeste exercice vous donnera une idée plus précise de ce qu’implique cet engagement au service des Nantais et, qui sait, qu’il donnera à certains l’envie de s’engager à leur tour !
La fierté collective de travailler pour les Nantais
Je crois pouvoir dire que l’immense majorité des élus municipaux, toutes tendances confondues, partagent cette fierté d’œuvrer pour les Nantais. Les quelques accrochages verbaux ne doivent pas faire oublier par exemple que notre groupe d’opposition vote environ 80% des délibérations, dès qu’elles vont dans le bon sens. Chez certains des élus les plus anciens, on sent parfois encore cette flamme pour le bien commun, ce désir de servir et non pas de « se servir ». Pour le jeune élu que je suis, c’est inspirant.
La frustration que peut générer la position d’opposant
L’envie de servir ne suffit pas. Il faut aussi se sentir utile et, honnêtement, je me prends parfois à en douter quand je vois le mur d’immobilisme auquel je me confronte, en particulier sur le front de la sécurité : trafics, incivilités, violences… Notre rôle est d’alerter sur la réalité du quotidien des Nantais ; je pense vraiment que nous avons permis une prise de conscience par la majorité de la gravité de la solution, mais mon Dieu que la réponse est lente !
L’effet déformant des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux sont un passage obligé quand on s’engage en politique. Je n’y étais pas très actif donc c’est aussi une découverte. Le débat y est singulièrement simplifié, voire déformé. L’invective (à laquelle je me refuse) n’est jamais loin et on en ressort avec une vision biaisée de la réalité. Ceci dit, surtout dans l’opposition, c’est un moyen puissant pour alerter sur certaines situations. Par exemple, nos vidéos dénonçant les trafics à Commerce, la privatisation des Fonderies ou la décharge de Doulon ont eu un écho important et ont contribué à faire (un peu) bouger la majorité.
Le conseil municipal en courant alternatif
La qualité de l’engagement de chaque élu ne peut masquer un défaut du Conseil municipal « à la nantaise » : nous nous réunissons seulement tous les deux mois, alors que des villes de taille bien moindre se réunissent chaque mois. Du coup, nous avons à chaque fois environ une cinquantaine de délibérations à étudier, avec des milliers de pages à lire en amont et peu de temps pour échanger sur le fond.
A Angers, on n’hésite pas à convoquer les élus une fois par mois, afin de garantir des débats sereins et d’aller au fond des choses en une seule séance.
Le manque de transparence
Force est de constater qu’une majorité au pouvoir depuis plus de trente ans prend de mauvaises habitudes : absence de réponse aux courriers de l’opposition ou bien dans des délais tels qu’il est impossible d’exploiter les informations reçues avant le conseil municipal, transmission lacunaire des informations (au prétexte que « ça ferait beaucoup de lecture »… On croit rêver !). La transparence ne peut être une option.
Comprenez-vous la « Johannarollangue » ?
Je dois avouer que, bien que je l’écoute et la lise attentivement, j’ai du mal à retenir les grandes lignes des discours de Johanna Rolland : c’est souvent un catalogue de mots convenus qui font perdre leur sens aux phrases et donc à l’action publique. Tout est « participatif », « citoyen », « inclusif », « coconstruit », tout se fait « en responsabilité ». Nos débats gagneraient à éviter la novlangue administrative ou trop militante. Sans parler de l’écriture inclusive omniprésente, qui complique singulièrement l’accès à l’information municipale pour les Nantais dyslexiques, pour les étrangers, etc.
Les problèmes sont concrets et connus : délinquance, précarité, addictions, étalement urbain, embouteillages monstres – les mots simples existent pour les décrire. Comme on dit, « quand c’est flou, il y a un loup » !
Le mandat d’élu : vivement les journées de 72 h
Comme nombre d’élus municipaux, je dois concilier mon mandat électoral avec une activité professionnelle intense et une vie familiale non moins intense. Nombre de Nantais pensent qu’être élu est un métier, mais il n’en est rien : il s’agit d’enchaîner 8 rendez-vous professionnels, un déjeuner avec un responsable d’association, une réunion du groupe Mieux Vivre à Nantes ou une visite de terrain. Et bien, on rêverait parfois d’avoir des journées de 36h ! Recevoir un soir un Nantais excédé par les rodéos dans son quartier, aller visiter une cage d’escalier où les deals se multiplient, préparer les commissions et les sessions, autant d’obligations très prenantes, plus prenantes que je ne l’aurais imaginé.
Vous voulez rendre vos élus heureux ? Mariez-vous !
Dans une métropole de la taille de Nantes, les élus d’opposition ont la possibilité de marier les couples qui en font la demande. J’ai eu deux fois cette joie et cet honneur. Pour le citoyen, le père, l’époux que je suis, ce fut un moment solennel, plein de sens. Le cérémonial républicain, s’appuyant sur les articles du Code civil, est à la fois simple et puissant. Et puis ma récompense, vous vous en doutez, fut la joie resplendissante des mariés !
Pour les 5 ans qui viennent, comptez sur nous
Ces premiers constats faits, j’en ressort encore plus motivé pour porter votre voix au conseil municipal, au sein de notre groupe d’opposition Mieux Vivre à Nantes qui est uni et solidaire. Je continuerai à le faire avec sérieux et assiduité, sans oublier une petite touche d’humour, histoire d’alléger nos débats. Si j’avais un souhait à formuler pour cette rentrée 2021/2022, ce serait d’arriver à passer plus de temps sur le terrain à rencontrer les Nantais qui font appel à nous.
Plus généralement, j’espère sincèrement que la majorité municipale et métropolitaine va accélérer sur tous les sujets qui font que Nantes décroche : sécurité, propreté, infrastructures, recherche et innovation.
Foulques Chombart de Lauwe