[article tiré de mon intervention lors du débat d’orientation budgétaire 2022/2026]
L’intérêt du débat d’orientations budgétaires de cette année est qu’il expose votre stratégie financière pour l’ensemble du mandat. l’an dernier à la même date, vous avez affirmé que c’était la pandémie qui vous avait empêchés de nous exposer cette stratégie dès la première année de mandat, comme c’est l’usage ; nous vous avons fait confiance et nous n’aurions pas dû. En effet, à la lecture du ROB, vous annoncez enfin la couleur aux Nantais qui vous ont fait confiance… et qui n’auraient pas dû !
Permettez-moi donc d’être le plus didactique possible pour que les Nantais comprennent bien à quelle sauce ils vont être mangés.
Prenons Madame Gautier, femme active qui vit sur l’Ile de Nantes avec ses deux enfants scolarisés :
- au 2 janvier, elle va voir sa facture du périscolaire augmenter
- soudainement, son stationnement devient payant. Elle choisit la formule à 1 euro par jour car elle n’a pas la trésorerie pour payer 180 euros d’abonnement
- quand elle prendra sa voiture pour aller faire ses courses, non seulement le plein familial lui coûte plus cher à cause de l’inflation mais en plus, elle a oublié de payer les 1 euros du stationnement et elle récupère une amende, qui vient de passer de 35 à 50 euros !
- A quelques mois de là, malgré un budget contraint par les factures de gaz et d’électricité, elle doit payer sa taxe foncière et sa TEOM qui augmentent toutes les deux, malgré la promesse de Johanna Rolland pendant sa campagne d’une “fiscalité constante”.
- Elle avait déjà mal digéré en 2015 la hausse de la CFE et de la taxe d’habitation.
Et bien Mme Gautier se dit qu’on ne l’y prendra plus !
Crise énergétique, sanitaire : la prudence est de mise
La reprise est réelle même si nous n’avons pas retrouvé le niveau de richesse nationale de fin 2019. Le chômage est en baisse mais reste à un niveau structurellement élevé par rapport à nos voisins d’Europe du Nord.
Pour les entreprises, malgré des carnets de commande remplis, c’est la pénurie qui caractérise la situation :
- pénurie de main d’œuvre formée
- pénurie de composants,
- pénurie et renchérissement de matière première
Sans oublier que nombre de TPE/PME vont devoir commencer à rembourser les aides publiques qui leur ont permis de passer la crise.
Pour les particuliers, un mot domine, l’incertitude.
- L’incertitude liée à une inflation repart comme jamais depuis près de 15 ans, approchant les 3%. Le Nantais qui paye sa facture de gaz ou d’électricité n’a pas besoin de graphiques savants pour s’en rendre compte ;
- l’incertitude sanitaire avec cette crise COVID dont on ne voit pas la fin qui empêche de se projeter et fragilise les plus précaires d’entre-nous, matériellement et parfois dans leur santé ;
Dans ce contexte encore volatil, l’Etat a plutôt choisi la prudence en ne lançant pas une énième réforme des dotations aux collectivités. Les règles sont donc assez stables cette année. Il a même renoncé pour la deuxième année consécutive au contrat dit “de Cahors” qui contraint la croissance des dépenses de gestion.
Finances nantaises : l’étau se resserre
Cette augmentation régulière des charges de fonctionnement fragilise les marges de manoeuvre de la collectivité.
[…] Selon l’impact de la crise sanitaire, le volume des dépenses d’équipement sera probablement à revoir à la baisse.source : rapport de la Chambr régionale des Comptes sur la gestion 2015-2019 (déc.2021)
Quant à la Ville, comme le montre la CRC dans son récent rapport, “une grande partie des marges de manoeuvre ont été consommées” :
- les transferts de charges à la métropole n’ont généré aucune économie en fonctionnement
- ces dernières connaissent une dynamique soutenue depuis plusieurs années alors que les recettes baissent tendanciellement, provoquant un inévitable effet de ciseau ;
- l’épargne se réduit donc mécaniquement, phénomène accéléré par la crise sanitaire qui a grignoté cette épargne à hauteur de 16,5 M€
Pénurie, incertitudes, crises à répétition, épargne qui se tasse inexorablement, tout cela devrait inciter votre majorité à une prudence élémentaire, histoire de ne pas injurier l’avenir, mais il n’en est rien.
La CRC conclut que “selon l’impact de la crise sanitaire, le volume des dépenses d’investissement sera probablement à revoir à la baisse”.
- Vous refusez de faire un vrai effort sur les dépenses de fonctionnement. La notion même d’économies est absente de votre ROB.
- Vous pouviez aussi décider de garder un rythme d’investissement soutenu, disons entre 50 et 70 MEUR, comme en 2019/2020. Déjà nous avons alerté en juin dernier sur le passage à 100 MEUR d’investissement.
- mais là, vous décidez tout simplement de passer à 140 MEUR d’investissement pour 2022 ! On parle d’un quasi triplement en 3 ans.
- Et pour le mandat, vous annoncez fièrement que vous allez doubler l’investissement : +95%, 690 M€ sur le mandat !
Il va falloir financer tout ça. Vous faites donc trois choix graves :
- vous augmentez les impôts, au mépris de vos engagements de campagne.
- vous augmenter les tarifs (stationnement, périscolaire)
- vous réendettez massivement la collectivité (+100M€).
D’ici 2026, l’ensemble des voyants vont passer au rouge, privant la collectivité des moyens d’agir.
En juin dernier, je vous reprochais d’accélérer en plein brouillard. Maintenant je comprends mieux, vous nous emmenez dans le mur en klaxonnant !